Le Phénomène Georgescu

Mykyta Maiorov
France 24
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Note de l'auteur de cet article :
D'après les informations fournies par des publications européennes populaires, on pourrait avoir l'impression que Kelin Georgescu, en tant que candidat à la présidence, est apparu de nulle part et a miraculeusement gagné une popularité étonnamment élevée en quelques semaines seulement.
Cependant, à mon avis, il serait important de suivre la chronologie des événements et d'étudier le " terrain" à partir duquel ce candidat controversé a émergé.
Prologue
"Le candidat pro-russe" — tel était le titre de la presse russe à propos de Călin Georgescu la nuit du premier tour des élections présidentielles en Roumanie. Sa victoire le 24 novembre a été accueillie avec enthousiasme par plusieurs publications russes de propagande, notamment Sputnik, Russia Today et "RIA Novosti". Cependant, le phénomène Georgescu n'est pas né instantanément – comme le montrent ses apparitions lors de crises depuis plus de dix ans. Le 14 juin 2016, Sputnik écrivait : « Le docteur Călin Georgescu sera le futur Premier ministre de la Roumanie ».
L'influence russe sur l'Internet roumain n'a également pas commencé récemment, mais a été délibérément accrue au fil des années – grâce à des campagnes impliquant aussi bien des sites d'actualités célèbres que des personnalités influentes controversées ou de la publicité pour la médecine alternative. À cela s'ajoutent des vagues de désinformation bien organisées (fake news), capables d'attirer le public dans des théories du complot.
Alors qu'AdNow menait une "campagne de fraude de masse contre les personnes âgées" en Roumanie, le Ministère de la Santé lançait sa campagne de vaccination. Klaus Iohannis s'est fait vacciner le 15 janvier et a assuré à la population qu'il s'agissait d'une procédure "sûre et efficace". Le jour précédent, Călin Georgescu, proposé par le parti AUR comme Premier ministre, se filmait dans une forêt autrichienne sous la neige et disait des phrases comme « C'est une pandémie de peur et de stupidité (...) ». Ensuite, il nageait dans un lac, regardant la caméra et disant : « Je fais confiance à mon système immunitaire, car je lui fais entièrement confiance et je crois en son Créateur. » Mon immunité dépend de la souveraineté de ma personnalité. Mon immunité est soutenue et formée uniquement par la nature, (…) pas dans un laboratoire. »
La vidéo s'appelle "Dr. Călin Georgescu – The Path to Your Universe !", où le titre "Dr." suggère qu'il a une certaine autorité dans le domaine médical. Călin Georgescu est docteur, mais docteur en pédologie, la discipline qui étudie les sols. Sa partenaire se décrit sur son site web comme "une enseignante holistique expérimentée, spécialisée en santé naturelle, [...] en iridologie clinique, et en thérapie énergétique". Ainsi, Cristela Georgescu couvre un large éventail de médecines alternatives, que le parti POT (Parti des Jeunes/ Party of Young People) de Georgescu, récemment entré au Parlement avec plus de 6 % des voix, promet d'officialiser et d'intégrer dans les méthodes de santé publique dans son programme électoral.
AdNow et ses liens avec Moscou
Selon les données statistiques de la plateforme AdNow, rien que le mois dernier, la publicité russe sur les sites roumains a généré 441 millions de vues. Un chiffre environ quatre à cinq fois plus élevé que le trafic mensuel moyen de certains des principaux sites d’actualités roumains (comme Digi24.ro) et comparable aux performances de grandes plateformes d’actualités internationales telles que CNN ou le New York Times.
En 2021, les influenceurs Léo Grasset en France et Mirko Drotschmann en Allemagne ont été approchés par un employé de l'agence de marketing Fazze, qui leur a proposé de l'argent pour publier du contenu remettant en question l'efficacité des vaccins contre la Covid-19. L’employé leur a explicitement demandé de ne pas préciser qu'il s'agissait de contenu sponsorisé. Il a refusé de révéler la source des fonds et a insisté sur le fait que le client souhaitait rester anonyme.
En mai 2021, une enquête conjointe menée par plusieurs médias internationaux, notamment la BBC et le Wall Street Journal, a révélé que Fazze appartenait à la société de relations publiques AdNow, qui possède des bureaux à Londres et Moscou. Fazze et AdNow ont orchestré une campagne de désinformation mondiale qui a attisé le mouvement anti-vaccination.
La presse a découvert que derrière AdNow se trouve la Russe Ioulia Serebrianskaïa. Selon sa biographie en ligne, Serebrianskaïa est une femme d’affaires moscovite connue pour sa participation aux campagnes électorales de Dmitri Medvedev en 2007 et de Vladimir Poutine en 2012. D’après le bureau russe de Radio Free Europe/Radio Liberty, elle a occupé des postes dans le département de publicité politique du parti Russie Unie. Les services français ont ouvert une enquête, et peu après, Meta a supprimé 65 comptes Facebook et 243 comptes Instagram liés à Fazze et AdNow.
L’entreprise AdNow LLP a été fondée à Londres par le Russe Stanislav Fesenko et le Britannique Ewan Tolladay. Ils sont également impliqués dans une vaste fraude liée à la collecte de données personnelles via des jeux mobiles, que les utilisateurs installaient sans savoir qu'ils donnaient accès à leurs informations personnelles. Cependant, le siège d'AdNow était situé à Moscou, où l’agence était sous le contrôle d'Ioulia Serebrianskaïa.
Il est intéressant de noter qu’à cette même adresse à Londres étaient enregistrées :
Les sociétés derrière Fazze, AdNow et AnnGames ;
Une plateforme d’échange de cryptomonnaies appartenant aux Fancy Bears, l’unité de hackers du GRU, le renseignement militaire russe ;
Un cabinet de lobbying ayant des liens politiques allant de Donald Trump à l’extrême droite albanaise ;
Une entreprise responsable en 2017 d'une gigantesque campagne de diffusion de logiciels malveillants via la publicité en ligne (malvertising) ;
Un cabinet de conseil appartenant à un cousin de Vladimir Poutine, soupçonné d’avoir blanchi son argent.
Les employés d'AdNow en Roumanie
Nos recherches ont révélé que plusieurs employés d’AdNow en Roumanie, dont Cătălina Ciper, responsable de l'édition, ont joué un rôle décisif dans le choix des partenaires commerciaux de l'entreprise. Elle a étudié les relations publiques et la communication à l'Université Babeș-Bolyai de Cluj et a poursuivi une spécialisation en gestion de marque à Moscou entre 2015 et 2017.
Ciper nie tout lien avec la Russie et affirme qu'aujourd’hui, AdNow opère sous la société Renodo Media Ltd, enregistrée en Bulgarie et appartenant à un citoyen géorgien. Cependant, elle reconnaît qu’en 2021, alors que des journalistes occidentaux enquêtaient sur le financement des influenceurs, « on nous a dit de ne pas répondre si quelqu'un de la BBC ou d'un autre média essayait de nous contacter ».
Elle insiste sur le fait que "nous n'avons plus aucun lien avec la Russie. Ce n’est pas que nous étions associés aux Russes, nous n'avons jamais collaboré avec la Russie. Mais le propriétaire était russe." Pourtant, un de ses subordonnés contredit ses propos et affirme que toutes les annonces publicitaires avec lesquelles il travaillait provenaient directement de Russie, via des e-mails, des comptes Skype ou Facebook sans véritables identités.
Ciper assure qu'aujourd’hui, AdNow ne diffuse plus de publicités pour ses propres produits, mais fonctionne uniquement comme intermédiaire publicitaire. Autrement dit, il s’agit simplement d’une interface entre des vendeurs, comme Expres Colet, et des sites de chaînes de télévision, telles que România TV ou Realitatea PLUS.
România TV a reçu des centaines de milliers de lei de AdNow
Nous avons obtenu des données financières montrant que, entre 2016 et 2020, le site web de la chaîne d'information România TV a reçu de l'argent de l'agence de marketing en ligne contrôlée par la Russie, AdNow. Le même montant est arrivé chaque mois sur les comptes de RTV pour "la publicité en ligne sur romaniatv.net et economica.net", selon les factures, à l'exception des campagnes électorales, où les montants augmentaient avec les recettes.
România TV a toujours été une plateforme pour les voix pro-russes et anti-occidentales. C’est la chaîne d'information la plus populaire du pays, mais elle est également celle qui a accumulé le plus de sanctions de la part du Conseil national de l'audiovisuel. Depuis sa création, elle a été pénalisée ou convoquée près de trois cents fois pour désinformation et diffusion de fake news. Récemment, elle a reçu une amende de 100 000 lei pour la propagande dans 16 émissions en faveur de George Simion avant le début de la période électorale.
Les documents financiers obtenus par les journalistes de Snoop montrent que 486 242 lei (environ cent mille euros) de AdNow sont arrivés sur les comptes du groupe télévisé România TV entre 2016 et 2020. Selon les documents bancaires, l'argent est arrivé sur RTV (romaniatv.net) depuis deux comptes en Lettonie et à Chypre.
Le modèle commercial d’AdNow consiste à installer un programme sur les sites d’actualités. Cela permet de diriger les utilisateurs d’Internet à l’aide de différents types de publicité. Le lecteur ne sait pas qui envoie cette publicité, pourquoi elle apparaît sur un site spécifique ni quelles données personnelles elle récupère de son ordinateur ou de son téléphone.
Selon les données du marché, le propriétaire du site web qui permet à des entreprises comme AdNow ou Google de diffuser de la publicité à son audience reçoit quelques centimes pour chaque lecteur qui clique sur chaque publicité. Par exemple, AdNow paie aujourd’hui en Roumanie 0,074 $ par clic et encore moins par impression.Exemples de tarifs et des pays où AdNow opère
Un demi-million d'euros de la part d'AdNow pour une agence de publicité roumaine
Entre 2016 et 2020, AdNow Llp a versé près de 2 millions d'euros à des entreprises enregistrées en Roumanie. La plus grande somme, un demi-million d'euros, a été reçue par l'agence de publicité Digital Atelier Interactiv SRL, fondée par les Roumains Alexandru Niță et Ilie Cătălin Stratone.
Cette entreprise a été fermée en 2021, mais sur leur ancien site web, ils mentionnaient qu'ils diffusaient des publicités dans les publications les plus connues de Roumanie, de Libertatea et Antenele lui Dan Voiculescu à des blogs culinaires, des plateformes de commerce électronique ou des sites de conseils pour parents.
Alexandru Niță nous a contactés et a avoué qu'il était un intermédiaire pour les publicités de l'agence AdNow, mais qu'il n'était pas au courant du scandale de 2021, lorsque des Russes ont payé des influenceurs pour diffuser de la désinformation sur la vaccination.
Cependant, en 2017, l'agence Digital Atelier a enregistré deux sites web (RemediiNaturalePar.biz et LeoAndersLanguage.com), semblables à ceux promus dans la publicité russe, avec des thématiques trompeuses, l'une sur la naturopathie et l'autre portant le nom d'une fraude mondiale.
« Les domaines ont été achetés sur commande d'un client externe, souhaitait les utiliser pour une campagne publicitaire. Pour diverses raisons, la campagne n'a pas eu lieu, les domaines n'ont pas été utilisés et leurs dates d'expiration ont eu lieu en 2019», explique Alexandru Niță. Cependant, le public roumain a malgré tout été exposé à la fraude LeoAndersLanguage, car des victimes ont témoigné en Roumanie.
Fraude par des pages clonées
Les annonces AdNow ne mènent pas seulement vers des sites sur les "médicaments naturels", mais aussi vers des sites clones – des copies de vrais sites d'actualités. Voici quelques exemples de fausses nouvelles publiées sur des sites clonés :
"Christian Tudor Popescu propose des consultations d'affaires et gagne 10 000 lei par jour"
"Nicolae Cuca a été expulsé du studio de Prima TV car il a expliqué comment les Roumains peuvent gagner 30 000 lei par mois. La Banque centrale de Roumanie a appelé à arrêter cette publication"
"Un ordre de mobilisation a été donné en Roumanie. Le Ministère de la Défense, nouvelles urgentes concernant l'ordre de mobilisation militaire reçu par les Roumains chez eux".
Cette stratégie de désinformation consiste d'abord à copier les données d'identification importantes des publications de confiance : marque, logo, police, auteurs. Ainsi, vous serez redirigé vers des copies de sites comme Digi24.ro ou RFI.ro. Une personne non expérimentée ne remarquera pas la différence entre la véritable publication et sa copie.
Exemple d'un site cloné
En janvier 2024, Transgaz a lancé un appel d'offres pour la construction d'un gazoduc reliant la Roumanie au corridor BRUA. La campagne de désinformation, qui reproduit des publications, soutient le projet énergétique BRUA tout en récoltant des données précieuses sur les personnes qui croient pouvoir s'enrichir rapidement grâce à cela. Factual et Recorder ont largement rapporté sur les arnaques d'enrichissement rapide liées aux investissements dans BRUA, et la société nationale Romgaz a fait des déclarations publiques pour contrer cette fraude.
Un membre de notre équipe, dans le cadre d'une expérience, a fourni ses données aux fraudeurs, déclarant être intéressé par un investissement. Moins d'une minute après, son téléphone a sonné. De l'autre côté, un citoyen moldave a tenté de nous convaincre de lui fournir les informations de notre carte bancaire. Nous avons reçu 18 appels en deux semaines, jusqu'au jour suivant les élections.
« Le nombre de victimes des fraudes en ligne en Roumanie est impossible à évaluer», déclare Mihai Rotariu, porte-parole de l'Autorité nationale de cybersécurité. Beaucoup ne le signalent pas par honte, et seuls quelques cas arrivent à la police. « Certains des victimes sont à nouveau recherchées par les criminels, qui se présentent comme une institution publique. Sous le prétexte du Parquet, de la DNSC ou de la police, ils demandent à nouveau les informations bancaires de la victime et récupèrent l'argent qu'ils n'ont pas pu obtenir lors du premier contact ».
En août, DIICOT et ses partenaires du PCCOCS en République de Moldavie ont démantelé un groupe ayant obtenu plus de 1,2 million d'euros grâce à des fraudes en ligne. Parmi les images utilisées dans ces fausses annonces publicitaires figurait l'ex-ministre de l'Énergie Virgil Popescu, aujourd'hui député au Parlement européen pour le PNL. En 2023, son image a été utilisée pour promouvoir des investissements dans Hidroelectrica, une entreprise publique récemment inscrite à la Bourse de Bucarest.
La recette est simple, selon l'ex-ministre de l'Énergie, qui a été contacté par l'équipe Snoop. Il a noté que ces fraudes ont toujours les mêmes éléments : "D'un côté, l'image des entreprises publiques du secteur énergétique, qui, comme on le sait, ont de l'argent. De l'autre, elles ciblent les personnes qui ne connaissent pas les marchés financiers et comment protéger leurs informations bancaires, c'est-à-dire des personnes facilement influençables".
Virgil Popescu met en garde que les données collectées par les fraudes en ligne peuvent être utilisées non seulement à des fins financières, mais aussi à des fins électorales. « Ils créent une base de données des personnes qui tombent dans le piège et peuvent ainsi, d'une manière ou d'une autre, influencer ces personnes à l'avenir. Que s'est-il passé aux élections en Moldavie ? Ils avaient les données de personnes de confiance et leur ont fabriqué des cartes avec de l'argent ».
EU DisInfo Lab a publié un rapport détaillé sur le fonctionnement de la désinformation via des clones de sites de fausses nouvelles. Cette opération est attribuée aux services secrets russes, visant à saboter le soutien à l'Ukraine et à diviser les pays qui l'ont soutenue.
AdNow a également lancé une application de livraison de nourriture en Roumanie, qui n'a jamais existé
En 2018, AdNow a lancé l'application FoodEx pour la livraison de nourriture en Roumanie, promue sous le slogan « Emportez FoodEx partout ». Des contenus sponsorisés sont apparus dans plusieurs publications, des gens ont téléchargé l'application et fourni leurs données personnelles, mais l'application n'a jamais fonctionné. La photo de la marque FoodEx publiée par des sites d'actualités roumains a été volée du guide Michelin d'un restaurant à Singapour. De plus, le siège annoncé de FoodEx était situé dans un hôtel à Malte, à La Valette, et aucune réponse n’a été donnée aux plaintes en Roumanie.
Le compte FoodEx Romania sur Facebook ne recommandait qu'un seul lieu : BAZ Bistro&Bar. Peu après, cette page a été transformée en page de Matei Sergiu (NimeniDinCarie), candidat au Parlement pour le POT (Parti des Jeunes / Party of Young People), un nouveau parti politique fondé par l'ancienne députée d'AUR, Anamaria Gavrile. Le parti soutient ouvertement Călin Georgescu, «un président qui apprécie vraiment la Roumanie». Selon une enquête de G4Media, parmi les instructions données aux partisans de Georgescu, il y avait « préparer le terrain » pour les élections parlementaires et commenter qu'ils votaient pour le POT.
L’annonce de recrutement pour FoodEx Romania a été publiée sur la page Facebook de Daniel Starkov, un citoyen russe. Selon son profil LinkedIn, il a occupé des postes de direction chez Mail.ru et « Vkontakte », les plus grandes entreprises technologiques russes. Dans son CV, Starkov est également diplômé d'un programme académique intitulé «Programme présidentiel», organisé par le Ministère de l’Économie de la Russie.
Nous avons envoyé plusieurs questions à Daniel Starkov à son adresse e-mail foodex.com, mais nous n'avons reçu qu'un message d'erreur provenant directement des serveurs de la société mère AdNow.com. Il n'a également pas répondu à une demande d'entretien envoyée à son e-mail personnel.
Le docteur Andrei Laslau, influenceur ayant reçu de l'argent russe pendant la pandémie
De l'argent en provenance des mêmes comptes a également été versé à des influenceurs tels qu'Andrei Laslau, qui se qualifie de Dr. Oz roumain [une comparaison avec le présentateur d'une émission de conseils médicaux non fondés scientifiquement, nommé par Trump pour diriger la commission des assurances santé des États-Unis].
En tout, pendant quatre ans, près de deux millions d'euros (8 344 250 lei), avant taxes, ont été versés par AdNow à plusieurs établissements médiatiques et créateurs de contenu. Cependant, cela ne représente qu'une partie, car de nombreux paiements ont été effectués en cryptomonnaies ou via des applications fintech opaques, comme PayPal ou Wirecard, avec lesquelles AdNow collabore.
Description des "avantages" de la collaboration avec AdNow (données issues de LinkedIn)

Aujourd'hui, Andrei Laslau référence le site web noutati.info depuis sa page Facebook, qui compte 2,4 millions d'abonnés, la qualifiant de « Page officielle du Dr Andrei Laslau ». Le « docteur » publie chaque jour des liens vers des articles sur des horoscopes, des figures religieuses, ou des textes divers sur des sujets d'actualité. Après chaque cinq à six publications, des nouvelles sur Kelin Georgescu apparaissent, telles que :
« Comment serait la Roumanie sous la direction de Kelin Georgescu ? Un regard sur tous les scénarios possibles, des opportunités exceptionnelles aux problèmes inattendus. »
« Photos intéressantes de Cristela Georgescu, la femme de Kelin Georgescu, en maillot de bain dans la neige. »
Ses publications sur Facebook concernant Kelin Georgescu génèrent des centaines de commentaires de soutien pour le « candidat indépendant » au second tour.
Pendant la pandémie, Andrei Laslau était l'un des influenceurs les plus connus de Roumanie. elon une analyse réalisée par la chercheuse Adina Marințea concernant les 10 000 publications les plus populaires sur Facebook concernant le coronavirus, Laslau et Adina Albert, des promoteurs de traitements alternatifs contre la COVID-19, ont publié dix fois plus sur la pandémie que Raed Arafat, obtenant ainsi huit fois plus d'interactions que le chef du Département des urgences.
AdNow LLP du Royaume-Uni a envoyé près de 200 000 euros à l'entreprise Andrei Laslau Media Services SRL en 2017 et 2018. Durant cette période, Laslau a diffusé des liens vers le site stiriactuale.net, qui collectait des données personnelles pour des centaines de fournisseurs avant de publier des recettes, des horoscopes et des articles sur les rêves prophétiques.
Andrei Laslau lui-même estime qu'il a été choisi par les Russes d'AdNow en raison de son énorme trafic, de millions de vues pour un public qu'il qualifie d'ignorant, comme il nous l'a dit. Bien qu'il étudie la médecine, il propose sur son site andreilaslau.ro des méthodes de traitement alternatives, qu'il explique ainsi :
« Si nous parlons de miracles, ce genre d'information circule partout sur Internet. Tout le monde veut la jeunesse sans vieillesse et la vie sans mort. Nous sommes un pays de gens qui croient à la médecine non traditionnelle, aux horoscopes, à toutes sortes de choses non liées à la science et à l'éducation. »
Même après la fin de la tension liée à la pandémie, Laslau est resté actif sur le marché des théories du complot. Moins de six mois après l'invasion russe en Ukraine, il a commencé à publier de la désinformation sur le fait que l'État roumain enverrait des hommes à la guerre.
Lorsque notre équipe l'a contacté, Laslau ne s'inquiétait pas de l'origine des fonds reçus via AdNow. Il affirme que les plateformes publicitaires en ligne peuvent avoir un financement indirect en provenance de Russie, car « les Européens ne donnent pas leur argent en vain ».
« Mais cela ne veut pas dire que certaines nouvelles sont publiées depuis le téléphone de Poutine », commente-t-il.
« Les gens [d'AdNow] veulent vraiment gagner de l'argent. Ils achètent plusieurs espaces commerciaux et payent probablement des milliers, des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d'euros. Ils veulent récupérer leur argent, ils veulent réaliser un profit », dit Laslau. Il ne considère pas qu'il y ait une « influence sur l'opinion publique ».
« Au contraire », déclare Leo Grasset, un YouTuber français qui a refusé l'argent d'AdNow et a contribué à exposer leur réseau de désinformation en France. Il estime que l'influence répétée de la publicité pseudoscientifique et des demi-vérités peut amener les gens à changer d'avis avec le temps. « Et c'est quelque chose de très dangereux que les Russes ont compris depuis longtemps », souligne-t-il. Les influenceurs doivent, insiste Grasset, réfléchir à la responsabilité qu'ils portent envers le public. Sinon, « votre influence sur le monde sera négative ».
Mais Laslau résume sa position ainsi :
« Je soupçonne que c'était quelqu'un de Russie, je ne sais pas si quelqu'un se cachait derrière eux, mais cela ne veut pas dire que nous sommes russophiles. Disons que l'argent est effectivement russe – cela ne nous concerne pas. »
Le blogueur complotiste Polifrone d'AZ News et "Gânduri din Ierusalim"
Les fonds d'AdNow ont également atteint des blogueurs roumains qui publient des textes ultra-conservateurs et des théories du complot. Deux de ces sites — AZ News et "Gânduri din Ierusalim" [Pensées de Jérusalem] — appartiennent à Daniel Polifrone, un ancien policier de l'Oltenie et partisan de Georgescu.
Polifrone a reçu 253 485 lei (environ 50 000 euros) d'AdNow via sa société Global Mega Solution entre 2017 et 2020. Avant de lancer son propre site de fake news, Polifrone s'est exprimé pendant un certain temps sur ActiveNews, un autre média qui, depuis 2013, crée des théories du complot et de la désinformation.
Pendant la campagne électorale actuelle, ils ont publié des articles intitulés : « Les brigades ANTIFA sous le regard de la gendarmerie roumaine ont menacé de mort le candidat à la présidence, Kéline Georgescu » ou « Cristela Georgescu, la future première dame de la Roumanie, dans le magazine Familia Ortodoxă ».
Sur sa page auteur d'ActiveNews, il se présente comme « l'auteur du célèbre blog chrétien "Pensées de Jérusalem". (…) J'ai 45 ans, je suis un simple citoyen, un ancien policier, j'ai quitté en 2016 après 16 ans de service, j'ai brièvement flirté avec la politique, puis je me suis retiré très vite ».
En 2020, il s'est présenté à la mairie de Dragomirești-Vale avec l'ALDE, mais, selon ses propres mots, il a quitté après trois mois de travail au conseil local.
Mais ce n'est pas tout. Pendant plusieurs mois, il a contribué à ActiveNews, publiant des fake news, telles que des théories sur les chemtrails (traînées chimiques) ou la discussion « carte contre cash ». Il soutient fermement l'évêque pro-russe IPS Théodose de Constanța et attaque les politiciens qui ne partagent pas ses croyances radicales.
La collaboration de Polifrone avec ActiveNews a pris fin dans des conditions amicales en octobre 2023, lorsque le média a annoncé que « ActiveNews se réjouit de l'apparition d'un nouveau média conservateur ! Daniel Polifrone : Nous avons lancé le portail d'actualités AZNews ».
Aujourd'hui, AZ News publie des dizaines d'articles soutenant Georgescu et diabolisant Lasconi, tout en publiant des messages paniques tels que :
Plus ils attaqueront Kéline Georgescu, plus les gens le soutiendront fermement ! Les gens en ont marre de la manipulation et du mensonge !
Si le CCR retire Kéline Georgescu de la course présidentielle, une guerre civile éclatera en Roumanie !
Les dirigeants européens sont prêts : les civils sont appelés à se préparer à la guerre ! Un général de l'OTAN déclare: « Nous nous préparons à un conflit avec la Russie »
Rapport alarmant des services secrets européens : La Russie attaquera la Roumanie et d'autres pays européens
« Pensées de Jérusalem » est un blog ainsi qu'un compte YouTube de Polifrone avec 160 000 abonnés, qui a récolté plus de 44 millions de vues. Pour référence, le média vidéo le plus populaire en Roumanie, « Recorder », n'a que trois fois plus de vues que la page de Polifrone. Les vidéos les plus populaires de cette chaîne teintée religieusement sont mystiques et superstitieuses, s'approchant du christianisme. Et lorsqu'il ne parle pas de religion, il publie des textes contre le LGBTQIA+, comme « La confession dramatique d'un gay réveillé à la vie ».
Lorsque Snoop lui a demandé si la publicité AdNow, vue des centaines de millions de fois dans le mois précédant les élections, pouvait influencer les élections, Polifrone a répondu que « la publicité neuropathique n'influence pas la pensée politique. Vous établissez cette connexion de manière partiale ».
Polifrone admet avoir « découvert cette campagne publicitaire sur un site web d'une chaîne de télévision roumaine, j'ai également créé un compte, inséré le code sur le site, et la publicité portait sur des crèmes ou d'autres absurdités ». Il a préféré ne pas expliquer pourquoi il a mis fin à sa collaboration avec AdNow précisément au moment où le scandale de la campagne de désinformation a éclaté en France.»
La recette des bots de Calin Georgescu : comment générer 4,5 millions de vues en une seule journée avec un nouveau compte
Un jour, Calin Georgescu a annoncé à ses abonnés qu'il était désormais possible de le trouver sur TikTok à une nouvelle adresse. Plusieurs raisons expliquent ce changement, mais la principale était que l’audience de son ancien compte avait diminué après l'impact des mesures prises par la plateforme sociale (ShadowBan).
En seulement 24 heures, dans la nuit du 9 au 10 décembre 2024, le nouveau compte calin.georgescu.real a téléchargé une nouvelle vidéo d'un candidat "indépendant" à l'élection présidentielle. Le lundi soir, à minuit, la vidéo avait déjà atteint 4,5 millions de vues, 562400 likes et plus de 44000 commentaires.
La croissance rapide sur TikTok a été rapportée dans un document de la SRI [Service de renseignement extérieur], déclassifié après une réunion du CSAT [Conseil Suprême de la Défense Nationale de Roumanie]. Le document parle de l'interaction de 25000 comptes coordonnés. Après le premier tour des élections présidentielles, les vidéos avec le hashtag #calingeorgescu ont accumulé près de 100 millions de vues en une seule journée.
Tout au long de l'automne, du 7 septembre au 6 décembre, les vidéos portant ce mot-clé ont récolté plus de 700 millions de vues, mais le véritable "boom", comme l'indique le graphique, a eu lieu entre les deux tours, qui ont ensuite été annulés.
Comment a évolué le hashtag de Calin Georgescu – le pic a été atteint après le premier tour des élections présidentielles
Le secret principal réside dans les commentaires
L'expert en cybersécurité Andrei Bușe a scanné les commentaires sous la première vidéo publiée par Calin Georgescu sur son nouveau compte et a remarqué une tendance dans les comptes qui ont attiré son attention, qu'il a identifiés comme étant faux. Il s'agissait de profils qui ne publient pas de vidéos, mais qui republient uniquement des vidéos de Calin Georgescu ; des utilisateurs avec des prénoms et noms roumains ; ainsi que certains qui imitent des pages avec des noms falsifiés ou simplement des pseudonymes suivis d'un long numéro (un code).
« À l'aide d'outils spéciaux, j'ai compris le modèle, la méthode utilisée pour obtenir cette croissance artificielle. Comme l'a indiqué l'expérience de ‘Recorder’, qui a créé un clip avec un candidat fictif à partir de zéro et l'a téléchargé, obtenant un million de vues en une heure, le trafic organique peut être généré à partir de trafic fictif », explique-t-il.
En d'autres termes, un système est créé dans lequel des bots ouvrent la voie à de vraies personnes qui ont été attirées par des vidéos « virales ». Andrei Bușe a expliqué ce mécanisme en dix étapes. Snoop a présenté ces étapes sans entrer dans les détails techniques, afin que les utilisateurs de TikTok utilisent cet article uniquement à des fins informatives et non pour augmenter artificiellement le nombre de vues. Ces dix étapes ont été vérifiées indépendamment par cinq autres programmeurs, qui ont séparément affirmé que ce scénario était « très plausible », « réalisable » ou « possible ».
Dix étapes
Les adresses e-mail sont généralement créées sur des sites qui offrent des services d’e-mails temporaires. Ces adresses sont valables assez longtemps pour enregistrer un compte sur TikTok. L'utilisation de Gmail, par exemple, est plus complexe, car un numéro de téléphone est requis pour confirmer les nouveaux comptes.
Les noms des utilisateurs fictifs peuvent être automatiquement ajoutés à des programmes (scripts). Ils sont récupérés à partir de listes de noms provenant de sources en ligne, comme Wikipédia (par exemple, à partir de la liste des prénoms roumains). Ensuite, ils sont organisés dans un tableau (Excel) : une colonne avec les prénoms (Vasile, Andrei, Mariana, Petre, Eusebiu, Dorina, etc.), une autre avec les noms de famille (Ionescu, Petrescu, Ivan, Niculae, etc.).
Les scripts (code écrit par un programmeur pour automatiser des processus manuels, permettent de résoudre les tests Captcha un système utilisé pour différencier les humains des bots en sélectionnant certaines images. Cela permet ensuite de créer automatiquement des comptes. Cela contourne les mesures de sécurité mises en place par TikTok.
Grâce au web scraping (extraction automatique de données depuis Internet), les vidéos correspondantes sont identifiées en fonction de mots-clés ou de hashtags. Ensuite, les liens vers ces vidéos sont téléchargés dans l'application Telegram.
À l'aide de programmes disponibles en ligne, les vidéos sont automatiquement téléchargées ou repostées par des comptes fictifs.
Cela facilite l'accès des vidéos à des millions de vues. Le 9 décembre, Recorder a publié un reportage dans la section « Actualités du jour » expliquant comment une vidéo peut atteindre un million de vues.
Le système peut aussi être adapté pour générer automatiquement des commentaires ou des likes. Par exemple, les commentaires peuvent être enregistrés dans un fichier texte ou une base de données, puis publiés de manière automatique.
Les comptes fictifs peuvent être identifiés par certains indices ou « erreurs ». Par exemple, de nombreux comptes n'ont aucun like, mais ont des dizaines de reposts de vidéos qui atteignent des centaines de milliers de vues.
L'algorithme de TikTok remarque lorsqu'un hashtag ou un sujet est partagé par des milliers de comptes et le considère comme un sujet d'intérêt pour les utilisateurs. Il le met ensuite en avant sur la plateforme, où il est vu par de véritables utilisateurs, et non uniquement par des bots (comptes fictifs).
Le dernier point concerne le contrôle de la plateforme. Andrei Bușe affirme que TikTok ne dispose pas de méthodes efficaces pour filtrer le contenu. « Il ne fait pas la distinction entre contenu réel et faux ». L'algorithme met en avant tous les sujets dits « tendance », ceux dont « des milliers de comptes parlent », sans en vérifier la véracité.
« Toutes les autres plateformes ont des départements spécialisés dans le contenu politique, les élections et la gouvernance, avec lesquels on peut entrer en contact, obtenir du soutien et dialoguer. TikTok n'a pas cela, car leur politique officielle est la suivante : ils ne s'occupent pas de politique sur la plateforme. » – déclare Andrei Bușe.
Comptes de l'AUR "empruntés" par Georgescu
Le journal Context a révélé que le réseau de pages de propagande du parti AUR, déguisé en portails d'actualités, fait également la promotion de Calin Georgescu, un candidat n'ayant fourni aucun rapport sur les dépenses de sa campagne électorale..
Cette information a été confirmée par les journalistes Louisa Vasiliu et Victor Ilie, qui ont publié sur leur propre Substack que "le réseau, qui comprend au moins 25 pages Facebook et 25 sites web, avec des publicités vues 160 millions de fois, a payé entre 167 900 et 264 909 euros pour plus de 4000 publicités de désinformation entre août et décembre 2024".
Les chercheurs de CheckFirst et de Reset Tech ont également détecté ces publicités.
Le rapport des Services de renseignement extérieurs (SIE) confirme les informations recueillies par les journalistes, indiquant que la Russie a envahi l'espace informationnel avec des narratifs polarisants et un soutien aux acteurs politiques proches du Kremlin (extrémistes, nationalistes, populistes). Le rapport souligne l'utilisation de leaders d'opinion locaux eurosceptiques et la promotion de théories du complot pour influencer le processus électoral.
La campagne d'information du PNL sur TikTok, qui a abouti au soutien de Georgeșcu
Le 24 novembre 2024, Calin Georgeșcu remporte le premier tour des élections présidentielles avec 22,94 % des voix, tandis que le candidat du PNL, Nicolae Ciucă, n'obtient que 8,79 %. Cependant, comme il a été révélé plus tard, avant cela, le PNL avait commandé une campagne d'information qui a été présentée au public comme une « campagne visant à sensibiliser à l'importance du vote ».
Pour cela, ils se sont adressés à la société roumaine Kensington Communication, spécialisée dans le marketing politique et les campagnes en ligne. Kensington Communication a fourni à Snoop plusieurs enregistrements, dont un spécifiquement lié à la campagne présidentielle. L'analyse montre que les influenceurs, recrutés par la société, suivaient des directives précises".. Que leur conseillait-on de faire ? « Une vidéo de 30 à 50 secondes, semblable à un vlog quotidien, dans laquelle vous discutez avec votre communauté des qualités importantes pour un candidat à la présidence de la Roumanie. »
Quelques exemples de scénarios :
Scénario de base : « Il y a 14 candidats à la présidence, mais ils ne sont pas tous également expérimentés ou préparés pour la présidence. » Version de l'influenceur n°5 : « Comme vous le savez bien, il y a 14 candidats, mais, évidemment, pas tous sont prêts à devenir président de la Roumanie. » Version de l'influenceur n°7 : « Nous avons 14 candidats, mais sont-ils tous prêts pour la présidence ? »
Scénario : « Il faut une personne juste, sans liens avec des scandales de corruption. » Influenceur 1 : « Il faut une personne honnête, qui ne peut pas être liée à des scandales de corruption. » Influenceur 5 : « Nous avons besoin d'une personne juste, sans liens avec des scandales de corruption. » Influenceur 2 : « Soyons honnêtes, sans un passé douteux, il ne doit pas être sous enquête criminelle. »
Scénario : « Je veux un président qui démontre son patriotisme par des actions, pas seulement des paroles. » Influenceur 1 : « Un président qui démontre ses qualités par des actions, pas seulement des mots. » Influenceur 3 : « Celui qui l'a prouvé par des actions, et non seulement des paroles. » Influenceur 5 : « Un président qui prouve ses qualités par des actions, et non par des mots. »
Il est intéressant de noter que le seul scénario créé par Kensington Communication qui ne s’est retrouvé dans aucune vidéo des neuf influenceurs concernait un parti fort et les États-Unis. La description de ce scénario est la suivante : « Il est important que le président ait le soutien d'un parti fort. Dans tous les pays, y compris les États-Unis. Il est difficile de gouverner un pays sans partenaires au parlement, au gouvernement, dans l'administration locale. »
Pour engager les influenceurs, Kensington Communication a contacté la plateforme roumaine FameUp et a payé 130 influenceurs par son intermédiaire. Comme le mentionne le document du CSAT, « les organisateurs de la campagne ont donné aux influenceurs des méthodes pour contourner les règles de TikTok ». Ainsi, certains influenceurs mentionnaient Calin Georgeșcu non pas directement dans leurs vidéos, mais dans les commentaires sous celles-ci.Le cadre du spectacle de Silviu Faiăr sur YouTube, le 22 novembre, montre des questions dans les commentaires du compte TikTok de l'influenceuse Natalia Beatrice, qui a participé à l’action « Echilibru și Verticalitate »
Le 13 janvier 2025, le président nouvellement élu du PNL, Ilie Bolojan, a répondu à la question de Snoop concernant qui, au PNL, avait commandé la campagne sur TikTok, accusée dans les documents du CSAT : « Je ne peux pas vous le dire, veuillez demander aux collègues qui géraient cette question à l'époque. Le vol de la campagne est illégal et anormal ».
Les principaux responsables de la campagne de Nicolae Ciucă – candidat du PNL, étaient Dan Motreanu, Rareș Bogdan, Lucian Bode et Ciprian Chicu. Bode était responsable de l'organisation, Motreanu était souvent en déplacement avec Ciucă dans le pays, tandis que Rareș Bogdan était resté à Bucarest pour gérer la communication. Il a rencontré FameUp et Kensington Communication », raconte un représentant du PNL qui a parlé à Snoop sous condition d'anonymat.
« Nous ne suspectons pas Rareș Bogdan d’avoir agi intentionnellement, ils ont simplement abandonné cette campagne, car elle était vouée à l'échec. Ce qui les préoccupait davantage, c'était le fait que Ciucă ait été bombardé de commentaires sur Facebook, disant « nous votons pour Calin Georgeșcu », ils ne se sont pas beaucoup souciés de TikTok », déclare la source du PNL.
Rareș Bogdan a nié à plusieurs reprises avoir dirigé la campagne TikTok, mais a admis qu'il avait rencontré des représentants de FameUp et fourni des informations liées à la campagne. « Vous devez demander à Motreanu, à Ciucă, qui était le directeur de la campagne en ligne, et à Kensington Communication, l'entreprise qui avait toute liberté à ce sujet », a déclaré Rareș Bogdan.
Ciprian Chicu, directeur exécutif de la campagne électorale, a déclaré qu'il avait rejoint l'équipe de coordination de la campagne de Nicolae Ciucă seulement trois semaines avant la finale. Le journaliste de Snoop a tenté de le contacter par téléphone, mais Chicu a refusé de faire des déclarations et a demandé que des questions lui soient envoyées par écrit. Bien que ces questions lui aient été envoyées, le premier vice-président du PNL n'a pas répondu avant la publication de cet article.
Épilogue
« La démocratie n'est pas quelque chose de naturel pour nous », affirme Emilien Mihailov, maître de conférences à la faculté de philosophie de l'Université de Bucarest et directeur du Centre de recherche en éthique appliquée. Il explique le lien entre la croyance en la médecine alternative, la désinformation ésotérique et les théories du complot en ligne dans le contexte électoral actuel : « Là où il n'y a pas de tradition démocratique, il est facile de manipuler des schémas mentaux tels que la religiosité, la méfiance, etc. »
Contrairement à la démocratie, « le schéma mental de la religiosité est profondément ancré dans notre esprit, il a été affiné au cours de centaines de milliers d'années. Il n’est pas apparu il y a cent ans, comme la liberté d’expression. Il peut se manifester sous différentes formes telles que l’ésotérisme, l’astrologie, le spiritualisme, le christianisme, et le judaïsme. Il en va de même pour les préférences politiques. Demain, Georgescu ne sera plus là, mais dans cinq ans, quelqu'un d'autre apparaîtra, qui ne parlera pas de la Roumanie éternelle, mais de la Roumanie invisible ou de la Roumanie spirituelle. Même si aujourd’hui, l'individu soutenu par la population échoue, cela ne signifie pas qu’un autre ne surgira pas à l'avenir, pour stimuler ce schéma mental de religiosité. »
Ce qui nous rend vulnérables à la désinformation, c'est le mélange de nos croyances : « C’est une question de naturalisme, un manque d’information, un manque de confiance dans la classe politique, un manque de confiance dans la classe sociale, une éducation inférieure, une expérience négative. Il s'agit toujours d'un cocktail de croyances qui, au final, devient un cocktail Molotov. »