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6 mai 2025 | 8 MIN.
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Le programme nucléaire iranien : du lancement initial à l’accord avec Trump

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The Voicer

President Hassan Rouhani visited the Bushehr nuclear power plant in January. Photo: Mohammad Berno/Iranian Presidency Office via AP

Un deuxième cycle de négociations entre les États-Unis et l’Iran sur la relance de l’accord nucléaire vient de se tenir à Rome. Pour l’instant, aucun compromis n’a été trouvé : chaque camp campe sur ses positions, et il reste difficile d’imaginer les contours d’un futur accord. Pourtant, les discussions avancent, et leur issue influencera fortement la stabilité du Moyen-Orient. C’est précisément de cela que nous allons parler aujourd’hui.

Notre rédaction vous propose un petit voyage dans le passé pour mieux comprendre les relations irano-américaines à travers une perspective historique. Nous allons découvrir comment l’Iran a commencé à développer son programme nucléaire, revenir sur le premier accord nucléaire conclu en 2015, et analyser les enjeux actuels. Enfin, nous réfléchirons à ce que chaque partie espère obtenir d’un nouvel accord. Bonne lecture !

Photo: Aïda Amer/Axios. Photo: Rebecca Noble/Getty Images

Histoire – Comment est né le programme nucléaire iranien ?

Pour comprendre les débuts du programme nucléaire iranien, il faut remonter au moment où la coopération entre l’Iran et les États-Unis dans le domaine du nucléaire civil a commencé. Le 5 mars 1957, les deux pays signent un accord sur l’usage pacifique de l’énergie atomique. Celui-ci prévoit la livraison d’équipements spécialisés, la formation du personnel, la création de centres de recherche et d’autres moyens facilitant l’étude de l’énergie nucléaire.

C’est à partir de cette date que l’étude à grande échelle de l’atome débute en Iran. Fait intéressant : ce sont les États-Unis qui ont aidé Téhéran à maîtriser les technologies nucléaires. Grâce à l’aide américaine, le pays obtient son premier centre de recherche nucléaire, construit à l’université de Téhéran, où est également mis en service le premier réacteur.

Il convient de noter que l’Iran de cette époque était très différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Le pays était alors dirigé non par les ayatollahs, mais par le Shah, qui était beaucoup plus ouvert aux valeurs occidentales. Cela a permis d’établir des relations plus amicales avec l’Amérique.

Le 1er juillet 1968, l’Iran signe le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Les scientifiques et ingénieurs iraniens voyagent à travers le monde pour se former, et le pays envisage de construire plus de vingt réacteurs nucléaires sur son sol.

Mais la Révolution islamique bouleverse cet élan. Le nouveau régime détériore les relations avec l’Occident, et le développement de l’énergie nucléaire – comme d’autres secteurs – devient extrêmement compliqué. Téhéran cherche malgré tout à poursuivre ses recherches et parvient même à conclure un accord avec le Pakistan pour obtenir des centrifugeuses. Naturellement, les Russes sont aussi de la partie : ils signent publiquement un accord avec l’Iran sur la construction d’une nouvelle centrale nucléaire et la coopération dans le domaine de l’énergie atomique.

The Bushehr nuclear power plant in southwestern Iran. AP Photo

L’atome "pacifique" qui ne l’était pas tant que ça

Peu à peu, certaines nations commencent à soupçonner ouvertement l’Iran de travailler à la fabrication d’une bombe nucléaire. Tout commence avec les États-Unis, qui, grâce à des images satellites, détectent une activité suspecte sur un site nucléaire iranien.

À Berlin, les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU se réunissent avec l’Allemagne. Les États-Unis font pression pour imposer des sanctions, mais la Chine et la Russie s’y opposent. Le Conseil de sécurité finit par adopter une déclaration commune, dont le texte avait été proposé trois semaines plus tôt par le Royaume-Uni et la France.

La Russie et la Chine négocient pour que l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) joue un rôle central dans la résolution de la crise iranienne, et exigent que toute mention de sanctions contre Téhéran soit retirée du texte. En échange, l’Iran est sommé de suspendre l’enrichissement de l’uranium dans un délai d’un mois et de permettre l’accès aux sites liés à ses recherches nucléaires.

Mais l’Iran se montre peu coopératif, réaffirmant à nouveau le caractère pacifique de son programme. Il insiste notamment sur le fait qu’Israël, qui posséderait l’arme nucléaire, n’a même pas signé le traité de non-prolifération et ne se soumet à aucune obligation internationale. Une situation que Téhéran juge profondément injuste.

Le premier accord nucléaire

Le Moyen-Orient est en flammes. Attentats, prises d’otages, et les États-Unis qui menacent de lancer une opération militaire. L’Iran craint une intervention armée, tandis que l’Occident souhaite éviter une guerre à grande échelle. Après plusieurs cycles de négociations, un accord nucléaire voit enfin le jour.

Le 14 juillet 2015, l’Iran, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni, la France, les États-Unis et l’Allemagne signent un accord sur le programme nucléaire iranien. Ils s'entendent sur un mécanisme commun de contrôle et de surveillance du secteur nucléaire civil iranien. L’AIEA obtient un accès à tous les sites nucléaires du pays pour une durée de 15 ans, à condition qu’aucun de ces sites ne soit démantelé. Les sanctions imposées par les États-Unis, l’Union européenne et le Conseil de sécurité de l’ONU doivent être progressivement levées.

Mais comme vous le savez, Donald Trump arrive au pouvoir peu de temps après et critique publiquement cet accord, annonçant son intention de s’en retirer. Il finit par le faire, en s’appuyant sur des informations obtenues par Israël, selon lesquelles Téhéran aurait violé les termes de l’accord.

Où en est-on aujourd’hui ?

C’est ainsi que nous arrivons aux événements actuels. Un deuxième round de négociations entre les États-Unis et l’Iran s’est récemment tenu. Les deux parties souhaitent rétablir l’accord nucléaire, mais ne savent pas encore comment y parvenir.

Italian Foreign Ministry. Handout via REUTERS

Les discussions ont réuni Abbas Araghchi, vice-ministre iranien des Affaires étrangères, et Steve Witkoff, représentant spécial du président américain pour le Moyen-Orient. Fait étonnant : les délégations se trouvent dans des salles séparées et ne communiquent pas directement.

Pour le prochain cycle de négociations, la délégation américaine sera dirigée par le diplomate Michael Anton. Contrairement à Steve Witkoff, il n’a pas encore exprimé publiquement sa position sur le dossier iranien, mais il a tenu les Européens informés de l’évolution des pourparlers. Ce changement de leadership pourrait indiquer un affaiblissement progressif de l’influence de Witkoff sur ce dossier, et peut-être une nouvelle approche dans la gestion du conflit.

Actuellement, peu d’informations ont filtré sur un possible accord. Comme souvent dans ce genre de discussions, les négociations se déroulent à huis clos. Certains médias évoquent la volonté de l’Iran d’accepter certaines restrictions sur l’enrichissement de l’uranium, en échange de garanties solides, notamment que Donald Trump ne se retirera pas une nouvelle fois de l’accord.

Que veut la partie américaine ?

Donald Trump a longtemps affirmé qu’il serait capable de conclure un meilleur accord que ses prédécesseurs. Il l’a répété si souvent que désormais, toute difficulté rencontrée dans le processus de négociation pourrait avoir un impact direct sur sa cote de popularité.

La résolution de la crise iranienne pourrait redorer son image, ternie notamment par l’échec à mettre un terme à la guerre en Ukraine. Et pour Trump, il semble que l’image publique soit une priorité absolue.

C’est pourquoi son équipe s’investira pleinement dans l’élaboration d’un nouvel accord, en usant de tous les moyens possibles. Et comme on l’a déjà vu, l’approche favorite de Trump reste la pression et la démonstration de force. Il a d’ailleurs déjà averti : si l’Iran refuse de signer un nouvel accord, « des bombardements suivront ».

Que veut la partie iranienne ?

Téhéran refuse clairement de céder sous la pression. Les dirigeants iraniens n’ont pas oublié que les États-Unis avaient déjà rompu un accord similaire en 2018, et exigent désormais des garanties solides que Washington — et surtout Trump — tiendra parole cette fois-ci.

Par ailleurs, selon plusieurs médias, l’Iran rejette catégoriquement toute discussion sur son programme balistique. Les ayatollahs savent bien que le rapport de forces n’est pas en leur faveur, et ils ne souhaitent pas se priver de moyens de pression militaire.

Cela dit, les autorités iraniennes semblent prêtes à faire certaines concessions, même si l’on ignore pour l’instant lesquelles. Ce qui est clair en revanche, c’est leur objectif principal : obtenir la levée des sanctions.

Récemment, des informations ont révélé que l’Iran aimerait entamer des consultations avec l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France — trois acteurs clés de l’accord nucléaire de 2015. Leur position jouera un rôle crucial dans une éventuelle reprise ou modification de l’accord. Compte tenu de la nature des relations entre Téhéran et Washington, ces pays européens pourraient bien jouer un rôle de médiateurs efficaces.

Enfin, en lançant un dialogue avec les Européens, l’Iran espère également projeter une image de diplomatie active et éviter une nouvelle forme d’isolement sur la scène internationale.

Que veut la Russie ?

Oui, la Russie participe elle aussi aux négociations. Il faut dire que le rôle de médiateur a toujours été très important pour Moscou, d’un point de vue historique. Bien avant la première entente nucléaire, la Russie avait déjà un plan « génial » pour résoudre le conflit. L’idée consistait à transférer les installations d’enrichissement de l’uranium iranien sur le territoire russe, pour y effectuer ensemble les opérations. Sans surprise, Téhéran a refusé.

Aujourd’hui encore, Moscou tente de se présenter comme un négociateur efficace, en proposant ses services aux États-Unis pour faciliter la conclusion d’un nouvel accord avec l’Iran, espérant en retour obtenir certains avantages dans le dossier ukrainien. Pourtant, Vladimir Poutine semble surtout « vendre du vent », car il ne dispose d’aucun levier réel ni de proposition concrète pour résoudre la crise.

Il est difficile de dire pourquoi l’équipe de Trump voit les choses autrement, mais elle a déjà été critiquée à plusieurs reprises pour son attitude excessivement positive à l’égard du pouvoir russe.

Que peut faire l’Ukraine dans tout cela ?

Même si tous ces événements se déroulent loin de nos frontières, ils peuvent avoir un impact considérable sur la guerre en Ukraine et sur notre position dans les négociations.

En effet, si un accord voit le jour et s’avère concluant, cela pourrait entraîner une levée des sanctions contre l’Iran, lui permettant ainsi de revenir sur le marché mondial du pétrole. Une augmentation de l’offre pourrait faire baisser les prix de l’énergie à l’échelle mondiale. Et comme vous le savez, le budget russe repose en grande partie sur les exportations pétrolières : une baisse des prix affaiblirait donc l’économie du Kremlin. Par ailleurs, un éventuel rapprochement entre l’Iran et l’Occident irait clairement à l’encontre des intérêts de Moscou.

Il y a aussi un mince espoir que les États-Unis prennent conscience, au fil des négociations, que la Russie ne fait que simuler son importance dans ce processus. Le Kremlin espère tirer avantage de la situation pour obtenir des concessions sur la question ukrainienne. Mais si l’accord est conclu sans que Moscou ne joue un rôle central, cela réduira à néant ses prétentions d’influence dans le règlement du conflit en Ukraine.

Quoi qu’il en soit, notre malheureux voisin ne disparaîtra pas de sitôt. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir sur les plans militaire, diplomatique et économique. Mais il est essentiel de garder à l’esprit que, dans le jeu géopolitique, tout est lié : même une entente conclue au Moyen-Orient peut, à terme, influencer le cours de la guerre en Ukraine.

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