Armée de l'UE : mythe, réalité ou besoin urgent ?

Yurii Boiko
Photo: Carnegie Endowment for International Peac
Dans ce cadre, une réunion d'urgence s'est tenue à Paris, réunissant les dirigeants des principales puissances européennes, le Premier ministre du Royaume-Uni et le Secrétaire général de l'OTAN, afin de discuter de leur propre stratégie et des projets futurs pour freiner l'agression russe. Bien que la première tentative de création d'une « Armée de l'Europe » n'ait pas immédiatement abouti, il est essentiel de clarifier les positions des principaux acteurs de l'UE et du continent dans son ensemble, et de comprendre comment ils pourraient surmonter les défis auxquels fait face le camp pro-ukrainien.
Il convient également de noter que cette réunion d'urgence à Paris ne faisait pas partie des institutions de l'Union européenne, bien que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, y ait été présente. Ainsi, ce document examinera plus en détail comment les mécanismes de l'UE peuvent contribuer à la mise en œuvre de l'idée d'une armée européenne.
Cet article repose sur l'hypothèse que Washington cherche à mettre fin à la guerre en Ukraine à tout prix, même si cela implique un rapprochement des États-Unis avec la Russie, l'Érythrée, la Corée du Nord et d'autres pays. Si les Européens veulent que l'Ukraine poursuive son combat, une fédéralisation et un renforcement significatif du soutien à l'Ukraine sont nécessaires. Cependant, si l'Europe n'est pas prête à assumer un tel engagement, elle doit dès à présent se préparer à la guerre. De plus, dans ce document, l'Europe est envisagée comme une entité géopolitique autonome, fondée sur la coopération économique, la protection des libertés individuelles et des droits humains, ainsi que sur un ordre mondial basé sur des règles.
Comment la stratégie européenne envers la Russie a échoué ?
L’histoire de la lutte européenne contre la Russie
Le conflit en Europe n’a pas commencé soudainement en 2022 ; l’agression russe et la menace de son expansion existaient déjà sur le continent européen depuis le partage de la Pologne entre la Russie, l’Autriche et l’Allemagne, créant ainsi une menace directe d’invasion des troupes russes en Europe centrale. Contrairement aux idées reçues, la menace de l'État russe n'a pas disparu après la signature du traité de Brest-Litovsk en 1918. Au contraire, la Russie soviétique s’est concentrée sur la guerre civile, la restauration de son pouvoir et l’expansion de ses soi-disant frontières.
Cette période a été marquée par la guerre d'indépendance de l’Ukraine, la guerre soviéto-polonaise, la guerre d'Hiver contre la Finlande, les guerres d’indépendance des États baltes et l’annexion de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie. Indéniablement, la Russie a joué un rôle clé dans la destruction de la sécurité européenne fragile après la Première Guerre mondiale, dans l’invasion et l’occupation de l’Europe de l’Est lors de la Seconde Guerre mondiale, et dans l’imposition de la Guerre froide. La menace a toujours été présente, et le fait que la Russie ait bénéficié ces trente dernières années d’une politique erronée d’apaisement et d’un libre accès au marché européen ne signifiait pas que l’Europe était en sécurité.
L’Union européenne, et en particulier l’Allemagne, pensaient que l'intégration des ressources naturelles russes dans les marchés européens pouvait rendre la Russie interdépendante et en faire un partenaire sûr.
La Russie dans les affaires européennes après 1999
Cette stratégie découlait de l’expérience antérieure au sein de l’Union européenne, puisque toute l'intégration européenne a commencé avec la signature du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier en 1951 entre la France et l’Allemagne. Ce traité a contraint ces pays à coopérer plutôt qu’à poursuivre leur rivalité séculaire pour les ressources et la domination en Europe.
Les débats sur l’erreur de la politique d’apaisement et de partenariat avec la Russie se poursuivent encore aujourd’hui. Toutefois, il est essentiel de noter que la France et l’Allemagne avaient été totalement détruites par la Seconde Guerre mondiale et que leurs systèmes politiques restaient extrêmement instables. Cela leur a permis de conclure ce traité, tout en offrant à d’autres États la possibilité de les rejoindre volontairement.
La Russie, en revanche, n’a jamais souhaité rejoindre l’Europe sous sa forme actuelle. Une étape marquante en ce sens a été le discours de Vladimir Poutine à Bratislava en 2005, qui, pour de nombreux experts en relations internationales, a représenté un « point de non-retour ».
Ce discours a été crucial pour plusieurs raisons : il a envoyé un signal clair à l’Occident que la Russie n’avait pas l’intention de coopérer selon le format attendu par l’Europe. Le contexte temporel de ce discours a également joué un rôle important. Avant Poutine, George W. Bush avait pris la parole à Bratislava, modifiant sa rhétorique sur la guerre en Irak. Désormais, l’invasion américaine en Irak ne concernait plus la recherche d’armes de destruction massive, mais la promotion de la démocratie. Les médias américains ont même commencé à qualifier les élections parlementaires irakiennes de janvier 2005 de « Révolution pourpre », s’inspirant de la Révolution orange en Ukraine en 2004.
Si l’on considère ces événements non comme un catalyseur, mais comme un aboutissement logique, tout devient plus clair. La Russie n’a jamais eu l’intention de rejoindre le projet européen et de jouer selon les « règles établies », indépendamment de ce que Poutine affirme aujourd’hui. À Bratislava, il a déclaré explicitement que la Russie n’avait pas besoin de la « démocratie occidentale » et qu’elle suivrait ses propres traditions.
En 2008, après avoir transféré officiellement le pouvoir à Medvedev, Poutine a consolidé ses positions : il a écrasé et éliminé l’opposition, détruit le système judiciaire, concentré la richesse nationale entre les mains d’une élite restreinte et lancé une guerre éclair dans le Caucase, que Medvedev devait achever. De manière similaire, Eltsine avait préparé le terrain pour Poutine.
Il fallait être un homme politique d’une naïveté extrême pour espérer que la Russie rejoigne l’Europe simplement grâce à la coopération économique. Pourtant, Orban et Fico croient toujours en la Russie, même après son invasion ouverte de l’Ukraine.
Pourquoi est-il important d’avoir une armée fédéralisée ?
Comprendre et évaluer la menace russe
Dans son état actuel, la Russie constitue une menace pour la sécurité européenne. La question de savoir si l’État russe pourrait, à l’avenir, mettre en péril l’ensemble du projet européen est secondaire. Selon les données du service de renseignement militaire danois, la Russie pourrait déclencher une guerre de grande ampleur dans les cinq prochaines années et représenter une menace pour ses voisins d’ici six mois.
À ce jour, les forces russes en Ukraine dépassent les 620 000 soldats, tandis qu’en arrière-plan, la Russie continue de moderniser ses anciens stocks d’armements et d’accroître la production de nouvelles technologies militaires. De nombreux experts financiers et économiques s’accordent à dire que l’économie russe est désormais en mode économie de guerre. Cela permet d’accélérer la production, mais rend également plus difficile un retour à une économie civile. Cette orientation militariste, combinée à une idéologie expansionniste et au néo-eurasisme, façonne l’ensemble de la politique étrangère russe.
L’eurasisme
La théorie eurasiste considère l’Europe et l’Asie comme un seul et même continent, la Russie occupant une place centrale en tant qu’acteur mondial clé. Les exemples historiques les plus récents de la mise en œuvre de cette idéologie sont l’Empire russe avant le traité de Brest-Litovsk et l’Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale. Dans les deux cas, l’influence de Moscou était si forte que les dirigeants de Londres, Paris et Madrid considéraient sérieusement la Russie comme une menace réelle et tangible.
Dans un article de juillet 2011, Sarah Dixon Clamp définissait l’eurasisme comme :
Une idéologie selon laquelle la Russie et ses "territoires marginaux" occupent une position intermédiaire entre l’Europe et l’Asie, et dont les caractéristiques culturelles sont déterminées par un mélange de traditions slaves et turco-musulmanes. La Russie doit mettre en avant ses traits asiatiques.
Cette définition est en partie vraie. Avant tout, la Russie et ses satellites n’ont pas besoin d’occuper physiquement un territoire pour exercer leur influence. L’exemple de l’Ukraine et du flanc oriental de l’OTAN montre que la Russie peut ne pas contrôler entièrement un pays tout en paralysant son développement et son autonomie politique par la menace d’une invasion.
Un autre exemple est la politique de l’Allemagne envers la Russie avant 2022. Grâce au lobbying et aux mécanismes du libre marché, la Russie a efficacement neutralisé la réaction de la première ligne de défense de l’OTAN en Europe de l’Est. La participation allemande aux négociations des accords de Minsk en est une illustration parmi d’autres : le système politique allemand fonctionnait alors indirectement en faveur du Kremlin. La Russie n’a donc pas besoin d’occuper militairement un territoire pour y exercer un contrôle de fait.
Contrairement à l’eurasisme classique, la théorie néo-eurasiste ne considère pas la Chine comme un concurrent, mais comme un allié dans la lutte contre l’hégémonie américaine. L’autorisation donnée aux militaires chinois de stationner au Tadjikistan (une zone traditionnellement sous influence russe) et l’entraînement de soldats chinois en Biélorussie, un État vassal de la Russie, prouvent que Moscou ne voit pas Pékin uniquement comme un partenaire économique, mais comme un allié stratégique pour atteindre des objectifs géopolitiques globaux.
L’économie russe
L’année 2022 a été marquée par une croissance historique des exportations russes de ressources naturelles, ce qui a permis à la Russie d’atténuer les conséquences économiques et financières de son invasion de l’Ukraine. Depuis 2023, le gouvernement russe fonctionne avec un déficit de 2 % du PIB. De plus, en 2025, le budget militaire représentera 40 % du budget annuel de l’État. Cela ne semble toutefois pas inquiéter le Kremlin, puisque les dépenses militaires ont été augmentées de 25 %, atteignant 13,5 trillions de roubles (environ 130 milliards d’euros).
En tenant compte de la parité de pouvoir d’achat (PPA), les dépenses de défense de la Russie en 2025 dépasseront celles de tous les pays européens réunis. La Douma d’État russe a validé un budget militaire de 462 milliards de dollars (PPA).
Ainsi, la Russie possède :
Un grand effectif militaire,
D’importants stocks d’anciens équipements pouvant être modernisés,
Des usines fonctionnant 24h/24 pour produire et réparer des armements,
Un budget militaire colossal.
Cependant, l’économie russe souffre de faiblesses majeures :
Une dépendance excessive aux soldats contractuels pour compenser les pertes,
Un niveau élevé d’inflation,
Une augmentation des taux d’intérêt, qui inquiète les oligarques russes.
Ces facteurs créent une situation où la Russie poursuit son agressivité militaire malgré ses difficultés économiques, ce qui souligne l’urgence de renforcer la défense européenne à travers une armée fédéralisée.
Les précédentes tentatives de fédéralisation et les défis d’une armée européenne
Les dernières décennies ont vu l’Union européenne se transformer d’un simple espace économique et d’un espace de libre circulation (accord de Schengen) en une entité politique plus intégrée. Après le traité de Lisbonne de 2007, l’UE a évolué vers une structure plus centralisée, notamment avec la création du poste de Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, visant à unifier la diplomatie européenne et renforcer son efficacité.
Un autre progrès majeur a été la création de la Coopération structurée permanente (PESCO) en 2017, dont l’objectif était de réduire la dépendance de l’Europe envers l’OTAN et les États-Unis, notamment sous la présidence de Donald Trump.
Cependant, toutes les tentatives de fédéralisation n’ont pas abouti. Des projets majeurs, nécessitant une coopération approfondie entre les États membres, ont échoué, comme :
La politique commune d’asile et de migration,
L’union fiscale et les euro-obligations.
Malgré ces échecs, des initiatives comme l’union fiscale et les euro-obligations, initialement rejetées par l’Allemagne et les Pays-Bas, ont commencé à évoluer sous la pression de la crise du COVID-19. Cela prouve que même des projets suspendus peuvent être réactivés sous la contrainte de menaces réelles.
Les obstacles à une armée européenne fédéralisée
Actuellement, l’Union européenne reste principalement un espace économique et normatif. Bien que le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoie la possibilité de création d’initiatives de défense commune, leur mise en place nécessite une décision unanime du Conseil européen.
Cela signifie que des dirigeants prorusses comme Viktor Orbán (Hongrie) et Robert Fico (Slovaquie) détiennent un droit de veto sur l’avenir de la sécurité européenne.
Il existe néanmoins des moyens de contourner cet obstacle, notamment :
L’extension des pouvoirs de l’Agence européenne de défense,
La création d’une Initiative européenne de défense commune, dont la modification des statuts nécessiterait seulement une majorité qualifiée au Conseil européen.
Contrairement à l’OTAN, qui repose sur un cadre institutionnel précis, les traités TFUE et TUE ne définissent pas clairement la structure, la responsabilité et les modalités d’une armée unique pour l’UE.
Par conséquent, les dirigeants européens se retrouvent dans une incertitude stratégique, nécessitant de prendre des décisions aussi fondamentales que la création de l’Union européenne elle-même ou la signature du traité de Lisbonne.
La différence majeure est que cette fois, l’Europe n’a plus plusieurs décennies pour planifier : elle doit agir rapidement.
Défis pour l’Europe et l’UE dans la création d’une armée fédéralisée
L’expression « Si tu veux la paix, prépare la guerre » ne convient plus dans le contexte actuel, car les États membres de l’Union européenne sont déjà engagés dans une guerre hybride avec la Russie. Certes, les forces estoniennes ne combattent pas directement l’armée russe, mais leurs agences gouvernementales repoussent chaque jour des cyberattaques russes.
La Russie a développé une stratégie hybride contre l’Europe de l’Est, ressemblant à un coup en traître lorsqu’aucun arbitre ne regarde. La Russie annexe la Crimée, mais l’Ukraine n’a pas le droit de riposter. La Finlande et la Suède doivent protéger leurs câbles sous-marins, mais si elles réagissent, elles risquent de recevoir un appel de Washington leur demandant de rester prudentes, quel que soit le président américain en place.
Ce décalage entre l’Europe et les États-Unis existe depuis toujours, mais il s’est accentué sous la présidence de Donald Trump. Lors de son second mandat, Emmanuel Macron a dû demander à Trump si l’OTAN existait encore.
La phrase pertinente aujourd’hui n’est plus « prépare la guerre », mais « prépare la guerre que tu auras à mener, et non celle que tu mènes actuellement ».
L’Ukraine mène déjà la guerre du futur, où les drones dominent le champ de bataille. L’expérience russe dans l’utilisation des missiles a montré que toutes les munitions ont une limite et s’épuisent rapidement.
Cette prise de conscience modifie la réflexion stratégique des dirigeants européens. Par exemple :
L’Allemagne ne possède que 350 missiles Taurus, bien inférieur aux stocks russes avant 2022.
La France et le Royaume-Uni ne disposent pas des capacités industrielles nécessaires pour produire en grande quantité des missiles SCALP/Storm Shadow.
Bien que certaines nations européennes aient commencé à développer de nouvelles technologies en coopération avec l’Ukraine, cela reste insuffisant pour gagner la guerre du futur.
Il faut être honnête : les drones et les missiles ne sont pas les seuls facteurs décisifs dans une future guerre. Cependant, l’Europe n’a pas non plus suffisamment de forces armées conventionnelles et doit rattraper son retard sur la Russie, bien que le conflit dure depuis douze ans (depuis 2014).
Nous ignorons quelle sera la capacité de l’armée russe après la guerre en Ukraine, mais une chose est certaine : les États-Unis ne peuvent plus être le pilier central de la stratégie de défense européenne. Les administrations Bush, Trump et Biden ont affaibli l’approche européenne en matière de défense.
Il est possible que les États-Unis se retirent de l’OTAN, qu’ils ne garantissent plus la dissuasion nucléaire, qu’ils cessent le partage des renseignements ou qu’ils bloquent les ventes d’armes américaines à l’Europe. Il serait une grave erreur pour les dirigeants européens d’ignorer la possibilité d’une rupture entre les États-Unis et l’Europe.
De nombreuses capacités militaires américaines en Europe et dans l’espace sont menacées. Actuellement, 100 000 soldats américains sont stationnés en Europe. En cas de guerre, l’OTAN estime qu’il faudrait 200 000 soldats supplémentaires.
Un rapport de Bruegel indique que l’Europe doit créer environ 50 nouvelles brigades pour compenser un éventuel retrait américain. L’Union européenne devrait également mettre en place son propre centre de commandement militaire, capable de remplacer le commandant suprême de l’OTAN en Europe, qui a toujours été un général américain.
Cela ne signifie pas remplacer l’OTAN, mais sans une structure de commandement propre, une attaque contre l’Europe conduirait à une réponse désorganisée des 29 pays européens, chacun menant sa propre guerre sans coordination.
L’expérience ukrainienne a prouvé que l’artillerie reste l’arme principale sur le champ de bataille. D’après le IIIe Corps de l’armée américaine, l’Europe aurait besoin de :
1400 chars de combat
700 pièces d’artillerie
2000 véhicules blindés d’infanterie
Ces chiffres sont inférieurs aux capacités militaires combinées de toutes les armées européennes. Un autre problème est l’approvisionnement en munitions. La Corée du Nord, l’Iran et la Russie produisent plus d’obus d’artillerie que tous les pays de l’OTAN réunis. De plus, la Corée du Nord et l’Iran disposent de stocks suffisants pour soutenir l’effort de guerre russe pendant des années.
L’Europe doit également développer son propre réseau satellitaire, non seulement pour le renseignement militaire, mais aussi pour les communications sécurisées. Des systèmes comme Starlink ont prouvé leur efficacité en Ukraine en permettant aux forces ukrainiennes de coordonner leurs opérations et en garantissant une connexion vitale pour les civils.
Si un conflit éclatait, 43 millions de personnes vivant en Pologne et dans les pays baltes risqueraient de perdre immédiatement l’accès à l’eau, à l’électricité et aux télécommunications.
Les Russes ont appris à contourner les systèmes de défense anti-aérienne en combinant attaques de drones kamikazes Shahed (Geran) et missiles de croisière massifs, saturant les radars ennemis et perturbant les opérateurs des systèmes de défense.
Actuellement, les stocks de missiles anti-aériens sont insuffisants, même pour l’Ukraine, et la production ne suit pas la demande, ce qui laisse l’Europe vulnérable.
L’OTAN repose sur la doctrine de domination aérienne totale (Total Air Dominance).
Lors de la guerre du Golfe et de l’invasion de l’Irak, des avions furtifs F-117 Nighthawk et d’autres plateformes de combat invisibles ont joué un rôle crucial en opérant dans des zones ultra-protégées sans être détectés pendant des heures.
Or, les forces aériennes européennes manquent de : avions de ravitaillement en vol, AWACS pour la surveillance aérienne, capteurs modernes pour la reconnaissance et le ciblage, capacité d’opérer des avions furtifs, pourtant essentiels pour dissuader la Russie.
Bien que l’armée de l’air russe ait subi des pertes importantes, elle a conservé l’essentiel de ses avions de combat. Contrairement aux attentes, la Russie ne manque pas d’avions, car elle continue d’en produire et d’en moderniser d’anciens modèles. Son principal problème est le manque de pilotes expérimentés. Si la Russie bénéficie de 4 à 5 ans de pause après la guerre en Ukraine, elle pourra former une nouvelle génération de pilotes et préparer un nouveau défi sécuritaire pour l’Europe. L’Europe ne peut se permettre d’attendre. La création d’une armée fédéralisée est une nécessité urgente, sous peine de laisser le continent vulnérable face à une Russie en reconstruction militaire.
Conclusions
Des années de paix ont affaibli l’état des armées européennes. Face au choix entre bien-être social et préparation militaire, l’Europe a choisi le bien-être, mais la guerre frappe déjà à ses portes. L’état actuel des forces européennes pourrait ne pas suffire à dissuader la mobilisation massive de millions de Russes, prêts à servir les ambitions du Kremlin d’établir une sphère d’influence eurasienne. Les tentatives passées de l’Allemagne et de la France de contenir la Russie par la coopération économique et commerciale ont échoué. Désormais, l’Europe doit assumer seule sa propre sécurité nationale. Malgré les nombreuses déclarations de soutien à l’Ukraine, trois années de résistance ukrainienne n’ont pas suffi à provoquer une véritable prise de conscience en Europe.
Avec le changement de pouvoir à Washington, il est devenu évident que les États-Unis tiendront leur promesse et laisseront aux Européens la responsabilité de leur propre défense.
Ce retrait américain a révélé les lacunes stratégiques de l’Europe :
Un manque de dissuasion nucléaire indépendante,
L’absence d’une armée européenne collective dotée d’une structure claire,
Une dépendance aux infrastructures spatiales et de communication américaines.
Les Européens doivent désormais choisir :
Garantir la victoire de l’Ukraine et stopper une future agression russe,
Construire une défense européenne capable d’assurer la sécurité du continent, sans dépendre des États-Unis.
Chaque parlement national, chaque dirigeant européen, ainsi que toutes les institutions exécutives et législatives de l’Union européenne, doivent prendre des décisions fondamentales. L’UE peut-elle évoluer d’une simple union économique vers un acteur géopolitique majeur, au même titre que la Chine, la Russie et les États-Unis ? L’Europe peut-elle vraiment garantir sa propre sécurité sans une armée unifiée et une stratégie de défense commune ?
Comme le disait Napoléon Bonaparte :
Il n’est rien de plus difficile, et en même temps de plus précieux, que de savoir prendre une décision.
Le moment de décider est arrivé. Sinon, les dirigeants européens ne pourront plus se cacher derrière les Ukrainiens. Ils devront rendre des comptes aux générations futures, celles qui hériteront d’un continent où l’hésitation et l’inaction auront laissé place aux tombes des indécisions passées.