La faiblesse de Trump réside dans la dépendance du complexe militaro-industriel américain aux commandes européennes.
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En effet, une situation intéressante s'est développée aux États-Unis : d'un côté, l'administration Trump propose de réduire les dépenses consacrées au complexe militaro-industriel américain, et de l'autre, de nombreuses entreprises américaines ont investi dans l'expansion de leur production d'armes, anticipant des commandes publiques précises. Beaucoup de ces nouvelles unités de production devaient atteindre leur pleine capacité entre 2025 et le premier semestre 2026.
Ainsi, l'administration Trump sera confrontée à une situation où le complexe militaro-industriel américain aura achevé son expansion – une décision prise sous l'administration Biden, mais ces capacités de production resteront inutilisées faute de commandes suffisantes. En effet, les principaux acheteurs prévus étaient les États-Unis et l'Ukraine, pour répondre aux besoins des Forces armées ukrainiennes.
Il y a une différence entre des équipements coûteux comme les F-35, dont les commandes sont déjà planifiées jusqu'en 2035, et des consommables tels que les munitions, les missiles antichars et anti-aériens portables, l'équipement militaire, etc. Ces derniers nécessitent des contrats annuels stables et, surtout, volumineux pour maintenir la production et assurer la rentabilité des investissements.
La situation est aggravée par le fait que le marché de la défense aux États-Unis est concentré entre 6 à 8 grandes corporations, dont la plupart traversent actuellement une période difficile.
La politique de Trump et les attentes liées à la nouvelle administration ont déjà provoqué un effondrement des actions des entreprises américaines de défense :
Lockheed Martin : 423 $ par action. En un mois, baisse de 16,4 % (-83 $).
Raytheon Technologies : 122,4 $ par action. En un mois, baisse de 2,66 % (-3,34 $).
Northrop Grumman : 438,9 $ par action. En un mois, baisse de 13 % (-65,55 $).
General Dynamics : 241,9 $ par action. En un mois, baisse de 10,9 % (-29,7 $).
En revanche, les actions des entreprises européennes de défense battent des records :
Rheinmetall : 935 € par action. En un mois, hausse de 34,9 % (+240 €).
BAE Systems : 1 339 livres sterling par action. En un mois, hausse de 9,4 % (+115 £).
Thales : 179 € par action. En un mois, hausse de 19,6 % (+29,4 €).
Airbus : 171,9 € par action. En un mois, hausse de 5,2 % (+8,5 €).
La concentration du complexe militaro-industriel américain constitue généralement un atout, mais dans ce cas précis, elle représente un inconvénient. En effet, la faillite ou les difficultés financières d’un seul fabricant auront inévitablement un impact sur l’ensemble du secteur de la défense.
Ainsi, la situation est la suivante :
Si la Maison-Blanche n’est pas disposée, comme sous l’administration Biden, à allouer des fonds pour des commandes supplémentaires auprès de l’industrie de défense américaine, la seule solution est d’augmenter ces commandes en provenance de l’étranger (notamment d’Europe).
Cependant, cela s’inscrit dans une politique toxique où, d’un côté, les États-Unis reprochent à l’Europe sa faiblesse en matière de défense, et de l’autre, ils exigent que les commandes soient principalement passées auprès des fabricants américains, tout en exerçant un chantage sur l’Europe en matière de sécurité et sur la place des États-Unis au sein de l’OTAN.
La réponse de Mario Draghi aux accusations américaines sur la faiblesse de l’Europe est juste et concise :
« Oui, notre potentiel de défense est faible, et la principale raison en est un complexe militaro-industriel fragmenté et sous-financé. Nous devons y remédier. Mais en investissant dans les fabricants américains, nous ne pourrons ni moderniser ni développer notre propre industrie de défense. »
C’est pourquoi plusieurs pays européens plaident pour que les conditions d’utilisation des obligations de défense précisent que ces fonds doivent être exclusivement destinés aux productions communes au sein de l’UE, du Royaume-Uni, de la Norvège et de l’Ukraine.
La déclaration de Trump est avant tout une forme de pression visant à ce que l’Europe investisse les fonds empruntés pour ses besoins de défense dans l’achat d’armes américaines. Une telle approche serait une erreur. Le fonds de défense que l’Europe prévoit de créer pour des raisons stratégiques doit avant tout financer la production d’armements en Europe et en Ukraine, cette dernière étant une composante essentielle de la sécurité européenne et une partie intégrante des capacités de défense communes du continent.
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