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10 août 2025|13 MIN.
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Les problèmes économiques de la Biélorussie et leur impact sur le soutien aux besoins militaires de la Russie

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Contexte

Situation économique de la Biélorussie : En 2025, la Biélorussie se trouve à la croisée des chemins entre isolement géopolitique, sanctions sévères et dépendance accrue vis-à-vis de la Russie. Pour mieux comprendre l’état actuel de son économie, voici quelques données récentes.

Inflation élevée : L’inflation devrait atteindre 17 % en 2025. Elle est principalement alimentée par les importations (électronique, vêtements de marque, médicaments), dans un contexte de pénurie croissante de biens.

Cette hausse est également accentuée par la dépréciation marquée de la monnaie nationale, ce qui rend l’accès aux produits de base — en particulier importés — de plus en plus difficile pour la population. La pénurie de produits étrangers résulte d’un effet cumulatif : d’une part, les sanctions et les restrictions commerciales avec l’Occident ; d’autre part, la désorganisation progressive des circuits utilisés par la Russie pour contourner les sanctions, qui complique aussi l’approvisionnement du côté biélorusse.

Déficit commercial : Au premier trimestre 2025, le déficit commercial s’est creusé à 3,4 % du PIB, contre un excédent de 0,2 % au premier trimestre 2024.

Ce retournement de la balance commerciale — passant d’un excédent à un déficit — signifie que le pays dépense désormais davantage pour ses importations qu’il ne gagne via ses exportations. Ce déséquilibre extérieur est préoccupant, d’autant plus que la Biélorussie n’a pas accès aux outils financiers internationaux ou à un système bancaire global pour y remédier. Ses seules options restent les prêts directs de pays alliés, comme la Russie ou la Chine.

La détérioration brutale de la balance commerciale est liée à la baisse de la demande pour les produits biélorusses (notamment en Russie) et à l’augmentation du coût des importations jugées essentielles. Cela accroît la pression sur la monnaie nationale, contribuant à son tour à l’inflation et à l’instabilité du marché financier.

Pénurie critique de main-d’œuvre : Au 1er juillet 2025, les employeurs biélorusses ont déclaré 220 600 postes vacants. Pour un pays de neuf millions d’habitants, cela prend déjà des allures de crise.

Le nombre élevé de postes non pourvus reflète une pénurie structurelle de main-d’œuvre. Celle-ci s’explique par l’émigration (notamment des jeunes et des travailleurs qualifiés), le vieillissement de la population, mais aussi le refus d’une partie des citoyens d’accepter les conditions de travail proposées.

Résultat : ce manque de personnel freine l’activité économique et accentue la crise en cours.

Le pays fait face, sans aucun doute, à de graves difficultés économiques. Mais le plus inquiétant, c’est que Minsk dispose de très peu de marge de manœuvre pour y faire face.

Dépendance vis-à-vis de la Russie

L’une des rares options restantes pour Minsk consiste à solliciter l’aide du Kremlin — une aide qui renforce inévitablement la dépendance du pays. Déjà en 2024, environ 65 % du commerce extérieur biélorusse était réalisé avec la Russie. Deux tiers des exportations du pays sont destinés au marché russe, et une grande partie du reste dépend des chaînes logistiques russes.

Cela fait de la Russie le partenaire commercial dominant de la Biélorussie, tant pour les exportations que pour les importations. Ce niveau de concentration crée un lien économique unilatéral, qui limite la capacité de Minsk à prendre des décisions politiques et économiques de manière indépendante.

Ainsi, tout changement dans la situation économique ou la politique étrangère de la Russie rend l’économie biélorusse immédiatement vulnérable. Cela freine toute tentative de diversification économique et oblige le pays à aligner sa stratégie sur les intérêts d’un seul État.

Dans ce contexte, il semble peu probable que Minsk rompe ses liens avec Moscou pour adopter une politique réellement autonome. Il serait également illusoire de penser que le comportement d’Alexandre Loukachenko restera prévisible sur la base de ce qu’il a montré depuis février 2022.

La crise actuelle et la dépendance croissante vis-à-vis du Kremlin réduiront progressivement les marges de manœuvre du pouvoir biélorusse, y compris sur les questions qu’il cherchait jusqu’ici à éviter.

L’ampleur du soutien russe

La Russie accorde à la Biélorussie des prêts et d’autres formes d’aide financière. En 2023, par exemple, Moscou a octroyé à Minsk un prêt de 1,7 milliard de dollars.

Il existe également un mécanisme appelé « accise inversée » — une forme de compensation financière par laquelle le pays exportateur (en l’occurrence la Russie) rembourse une partie des taxes perçues sur la vente de certains produits.

En Biélorussie, les accises inversées et autres transferts en provenance de la Russie ont atteint un niveau record, représentant environ 3 % du PIB. Sans ce soutien extérieur, le pays se serait probablement retrouvé confronté à un déficit budgétaire majeur.

Cette aide financière massive de la Russie a été un facteur crucial de stabilisation des finances publiques biélorusses face à la tourmente économique, aux sanctions et à la chute des revenus d’exportation.

Cependant, elle a aussi profondément renforcé la dépendance financière et politique de Minsk vis-à-vis de Moscou. Les prêts, transferts et mécanismes fiscaux comme l’accise inversée permettent au régime biélorusse de maintenir les dépenses sociales, de financer ses programmes publics et de soutenir les secteurs clés. Mais cette aide a un coût — à la fois économique et géopolitique.

D’un autre côté, l’aggravation des difficultés économiques en Russie aura inévitablement un impact négatif sur le régime de Loukachenko.

L’augmentation de la dette envers la Russie réduit encore davantage la marge de manœuvre de Minsk, et l’intégration annuelle des transferts russes dans le budget rend le système fiscal biélorusse structurellement instable et dépendant.

Dans ce contexte, si la Russie venait à exiger prochainement une implication plus active de son voisin dans des opérations militaires conjointes, il est de plus en plus probable que Loukachenko accepte.

Il est donc essentiel de ne pas considérer le comportement de Loukachenko en 2022 comme un repère fixe. L’approfondissement de la dépendance, nourri par la crise, entraînera très probablement une implication croissante de Minsk dans le soutien au Kremlin.

Coopération militaire existante

Selon les experts, les contrats militaires et la coopération avec la Russie rapporteraient à la Biélorussie entre 5 et 7 milliards de dollars par an. Il est difficile de vérifier ces chiffres de manière indépendante, mais compte tenu du niveau d’interconnexion entre les deux pays, on peut raisonnablement supposer que ces revenus sont significatifs.

De nombreuses sources confirment que la Biélorussie fournit à la Russie des viseurs pour véhicules blindés, des drones de combat, des composants pour l’équipement militaire, ainsi que des systèmes électroniques destinés à l’industrie de la défense.

La société « Integral », un fabricant biélorusse de microélectronique contrôlé par l’État, joue un rôle clé en tant que fournisseur de puces électroniques utilisées dans les missiles russes, notamment les missiles Iskander, Kh-101, Kh-59M2A et les systèmes S-300.

D’après les renseignements ukrainiens, une usine de production de composants composites pour drones a été inaugurée en Biélorussie en février 2025.

Par ailleurs, l’entreprise « Zenit-BelOMO » produit des systèmes optiques de visée ainsi que des pièces automobiles destinées à la fois au marché intérieur et à l’exportation vers la Russie. Une montée en puissance complète est prévue d’ici la fin de l’année.

Les entreprises biélorusses ne se contentent pas de soutenir le complexe militaro-industriel russe : elles contribuent également à contourner les restrictions internationales en fournissant à la fois à Minsk et au Kremlin les composants et équipements nécessaires.

Dans ce contexte, il semble probable que le domaine militaire soit le premier à bénéficier d’un renforcement de la coopération entre la Biélorussie et la Russie, au fur et à mesure que la crise économique s’aggrave à Minsk. De nombreux sites industriels biélorusses prévoient d’atteindre leur pleine capacité cette année et l’année prochaine, ce qui laisse présager la poursuite — voire l’intensification — de cette collaboration.

Un risque majeur pour l’économie biélorusse

La Biélorussie est désormais totalement dépendante de la Russie. Comme mentionné précédemment, environ 65 % des exportations biélorusses sont destinées à la Russie. En outre, une grande partie des 35 % restants transite également par le territoire russe, en utilisant ses infrastructures logistiques. Il est donc juste d’affirmer que la Russie « contrôle », d’une manière ou d’une autre, près de 90 % des exportations de la Biélorussie.

Dans ces conditions, les marges de manœuvre de Minsk sont extrêmement limitées.

Le principal risque pour l’économie biélorusse réside dans l’instabilité de l’économie russe elle-même. Les autorités biélorusses ont enfreint un principe fondamental : ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier.

La crise économique interne a agi comme un catalyseur, poussant Minsk vers une intégration plus étroite avec le complexe militaro-industriel russe.

Cela crée un cercle vicieux :

1. Sanctions → Isolement → Dépendance envers la Russie

2. Coopération militaro-industrielle → Soulagement économique à court terme

3. Accroissement de la dépendance → Perte d’autonomie économique

Même si l’intensification des échanges avec Moscou a permis à Minsk de mieux faire face aux difficultés immédiates, cette dynamique rend la Biélorussie de plus en plus dépendante du Kremlin à long terme, au détriment de sa souveraineté économique.

Tentatives de diversification : la Chine

En dehors de son partenariat avec la Russie, la Biélorussie s’efforce activement de renforcer ses liens économiques avec la Chine, surtout depuis le durcissement des sanctions occidentales.

En août 2024, Minsk et Pékin ont signé un accord visant à créer une zone de libre-échange pour les services et les investissements. Selon Alexandre Loukachenko, cet accord devrait permettre une augmentation de 12 % des exportations vers la Chine, ainsi qu’une hausse de 30 % des investissements chinois au cours des cinq prochaines années.

Au même moment, le Premier ministre chinois Li Qiang s’est rendu à Minsk. À l’issue de cette visite, cinq projets industriels d’un montant total d’un milliard de dollars ont été lancés, tandis que douze autres, d’une valeur de 2 milliards, sont en phase de validation.

Ces projets incluent des partenariats avec les provinces chinoises du Chongqing et du Shaanxi, ainsi que la modernisation de l’entreprise conjointe BelGee, qui a produit plus de 300 000 véhicules en 14 ans.

D’après les statistiques chinoises, le volume des échanges commerciaux entre la Biélorussie et la Chine a dépassé les 4 milliards de dollars au premier semestre 2025, soit une augmentation de 5 % par rapport à la même période en 2024.

Sur l’ensemble de l’année 2024, ce chiffre atteignait 8,4 milliards de dollars, dont 6,58 milliards d’exportations chinoises vers la Biélorussie. Les exportations biélorusses vers la Chine comprennent des produits chimiques, de l’huile de colza, du bois, des produits laitiers et de la pâte à papier.

Malgré ces efforts, plusieurs limites freinent la diversification via la Chine :

1. Volume des échanges

Bien que le commerce bilatéral soit en croissance, il reste nettement inférieur à celui avec la Russie. Au premier semestre 2025, le commerce extérieur total de la Biélorussie s’élevait à 41,2 milliards de dollars (dont 19 milliards d’exportations et 22,2 milliards d’importations, selon BelTA). Même si le commerce avec la Chine atteint 8 à 9 milliards pour l’ensemble de 2025, cela ne représenterait qu’environ 10 à 11 % du total, contre environ 65 % pour la Russie.

2. Dépendance énergétique

La Biélorussie reste fortement dépendante des ressources énergétiques russes. Cette dépendance limite son autonomie économique, car la Chine ne peut pas remplacer la Russie en tant que fournisseur d’énergie.

3. Contraintes logistiques

Une grande partie des exportations biélorusses — même vers des pays autres que la Russie — transitent par l’infrastructure logistique russe. Cela fait de Moscou un acteur clé des chaînes d’approvisionnement biélorusses, ce qui complique toute stratégie de diversification.

La Chine voit un intérêt stratégique dans le transit de marchandises via la Biélorussie vers l’Europe, mais les sanctions actuelles empêchent Minsk d’accéder aux ports baltes — un point crucial pour Pékin.

La Biélorussie a certes accompli des progrès en diversifiant partiellement son économie grâce à la coopération avec la Chine. Toutefois, ces efforts n’ont pas permis de réduire significativement sa dépendance envers la Russie. Celle-ci conserve une position dominante en raison de sa part écrasante dans les échanges commerciaux, de la dépendance énergétique biélorusse et de son contrôle des principaux corridors logistiques.

La coopération avec la Chine est certes stratégique, mais son volume et son impact restent limités par rapport à l’influence russe. À l’avenir, il est probable que Minsk poursuive le développement de ses relations avec Pékin, car cela reste avantageux. Mais compte tenu du rôle central de l’infrastructure russe dans les échanges, il est peu probable que Moscou permette à court terme à la Chine de prendre le dessus dans la relation.

Perspectives de coopération future avec la Russie

Dans un contexte de crise économique, d’isolement international et de dépendance croissante vis-à-vis de Moscou, un approfondissement de la coopération militaire entre la Biélorussie et la Russie semble non seulement probable, mais presque inévitable.

Premièrement, la réalité économique pousse les autorités biélorusses à rechercher activement des sources de revenus en devises. La coopération dans le domaine de l’industrie de défense avec la Russie génère déjà des milliards pour Minsk, et faute d’alternatives, ce secteur ne peut que se renforcer. La mise en place de nouvelles unités de production, la modernisation des entreprises de défense et la signature de nouveaux contrats montrent bien que cette collaboration est systémique, et non ponctuelle.

Deuxièmement, la logique politique du régime de Loukachenko est centrée sur le maintien du pouvoir à tout prix. Dans ce cadre, toute confrontation avec le Kremlin paraît peu probable, surtout en considérant que Moscou assure à Loukachenko un soutien politique, financier et, si nécessaire, militaire en cas de menaces internes. En retour, la Biélorussie continuera vraisemblablement d’ouvrir ses ressources, son territoire et ses capacités industrielles aux besoins de l’armée russe.

Troisièmement, la coopération militaire entre les deux pays prend une forme de plus en plus institutionnalisée. Des centres militaires communs, des troupes russes et des éléments d’infrastructure nucléaire sont déjà présents sur le sol biélorusse. Il ne s’agit plus seulement de coopération, mais d’une intégration progressive des politiques de défense des deux États.

Il serait irréaliste d’espérer un affaiblissement de cette coopération militaire dans les années à venir. Au contraire, son renforcement apparaîtra comme une réponse directe aux sanctions internationales, aux difficultés économiques internes de la Biélorussie, et aux besoins accrus de l’armée russe, engagée dans une guerre prolongée contre l’Ukraine et une confrontation ouverte avec l’Occident.

En résumé, la dépendance économique de la Biélorussie mènera, avec une forte probabilité, à une intégration militaire encore plus poussée avec la Russie à moyen terme.


Article analytique rédigé par Anatolii Horshkov spécialement pour la communauté internationale d’information et d’analyse Resurgam.

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